La fabrication additive

Addup : fabrication additive
AddUp, joint-venture créée en 2016 par Fives et Michelin, propose des solutions industrielles d’impression 3D métallique et des services associés.

  • Frédéric Parisot, Ingénieur formation chez AddUp, expose les principes de fonctionnement, les atouts et le potentiel de la fabrication additive également appelée impression.

 

Principe de fonctionnement de la fabrication additive :
Frédéric Parisot : La fabrication additive, que l’on appelle aussi impression 3D, est un moyen d’obtention de pièces par ajouts de couches successives de matière. Il faut disposer du modèle numérique de la pièce à fabriquer, c’est-à-dire un fichier issu d’un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO) ou d’un scanner 3D. Ce modèle numérique est ensuite envoyé dans un logiciel de « tranchage », qui découpe l’objet en couches horizontales. Pour chacune de ces couches, le logiciel détermine les trajectoires qui seront suivies par la machine. Il peut s’agir des trajectoires de la buse chauffante pour les machines à dépôt de fil, par exemple, ou des trajectoires du laser pour les machines de fusion laser. Le fichier est ensuite envoyé à la machine de fabrication additive qui réalisera l’objet. Enfin, une fois la fabrication terminée, il faudra le plus souvent passer des étapes de finition. Ces dernières peuvent consister à nettoyer la pièce (dans le cas des technologies à base de poudre), mais on peut aussi procéder à un traitement chimique ou mécanique pour améliorer les états de surface, ou encore à un traitement thermique pour éliminer d’éventuelles contraintes résiduelles dues à la chaleur.

Procédés de fabrication additive de pièces plastiques ou métalliques :

Frédéric Parisot : Il existe plusieurs grandes familles de technologies d’impression 3D, et faire la distinction entre métal et plastique est parfois délicat. En effet, certaines technologies servent exclusivement à mettre en forme des matières plastiques, comme la stéréolithographie ou le FFF (Fabrication par Fusion de Filament), aussi appelée FDM (Fused Deposition Modeling). D’autres concernent uniquement la réalisation de pièces en métal. C’est le cas du DMD (Direct Metal Deposition, ou dépôt direct de métal) et du LBM (Laser Beam Melting, ou fusion par faisceau laser). Enfin, certaines technologies comme le SLS (frittage sélectif par laser) ou le Binder Jetting (projection de liant) s’appliquent à la fois à la mise en œuvre de plastique et de métal.

En termes de maturité, trois technologies font déjà l’objet de déploiements à grande échelle dans l’industrie : la stéréolithographie, qui a été largement adoptée par certains fabricants de dispositifs médicaux (prothèses auditives, notamment) ou dans la joaillerie, le LBM qui se généralise pour la fabrication de pièces en métal, et enfin le FFF que l’on retrouve aujourd’hui dans les bureaux d’études de nombreuses entreprises. Même si cette technologie FFF est aujourd’hui largement déployée, elle est utilisée le plus souvent à des fins de prototypage.
Quelle que soit la technologie, il sera possible de trouver des machines d’entrée de gamme et des machines professionnelles, capables de réaliser des pièces beaucoup plus précises. Mais il faut bien comprendre que le procédé de fabrication additive est par nature sujet à variations. Que l’on travaille à partir de poudre, de résine liquide ou de fil fondu, le plus difficile n’est pas de réaliser des pièces précises mais de réaliser plusieurs fois de suite exactement la même pièce.

Procédés de fusion laser sur lit de poudre ou encore l’impression 3D métal :

Frédéric Parisot : Il existe aujourd’hui cinq techniques d’impression 3D permettant d’obtenir des pièces en métal : le SLS, le LBM, l’EBM, le Binder Jetting et le DMD. Le frittage laser, ou SLS, se voit progressivement remplacé par la fusion laser, ou LBM, beaucoup plus intéressante en termes de caractéristiques mécaniques. En effet, avec le LBM la poudre est fondue, ce qui permet de créer des pièces massives homogènes, tandis que le SLS se contente de « fritter » la poudre, c’est-à-dire d’agglomérer les grains de poudre les uns aux autres sans atteindre le point de fusion du métal, ce qui entraîne des défauts de porosité. On notera que la technologie LBM, la plus utilisée aujourd’hui pour l’impression 3D métallique, existe aussi sous l’acronyme SLM, pour Selective Laser Melting, ou fusion sélective par laser. La technologie EBM (Electron Beam Melting, ou fusion par faisceau d’électron) reprend le principe du LBM, à ceci près qu’elle utilise un faisceau d’électron comme source d’énergie pour faire fondre la poudre, au lieu d’un laser. L’EBM présente des caractéristiques intéressantes. D’abord, la source d’énergie étant très puissante, la poudre est amenée à son point de fusion plus vite qu’avec un laser. Cela permet d’atteindre des vitesses d’impression très élevées, ce qui en fait une technologie adaptée à la réalisation de pièces massives. Ensuite, la quantité d’énergie est telle que les zones situées autour du point de fusion subissent un léger frittage. Cela présente un énorme avantage, car ces zones frittées feront office de support pour la pièce. Il n’est plus nécessaire de prévoir des supports à la conception pour les zones en surplomb. La technologie de Binder Jetting métallique (fabrication par projection de liant sur un lit de poudre) devient de plus en plus intéressante pour les industriels. Les dernières machines disponibles permettent de réaliser des pièces avec de très bonnes précisions, et après traitement thermique les pièces peuvent même atteindre des caractéristiques mécaniques intéressantes. Il faudra simplement prévoir des surépaisseurs à la conception, car le procédé d’élimination du liant entraîne une réduction dimensionnelle de la pièce. Enfin, la déposition directe de métal, aussi appelée DMD ou CLAD, est sur le point de passer au stade industriel. La technologie présente de nombreux atouts, notamment la possibilité de travailler à partir d’une pièce existante pour lui ajouter des fonctions, et la perspective de réaliser des pièces avec des gradients d’alliages (la composition du métal pourrait varier selon les zones de la pièce). Le DMD offre des perspectives intéressantes pour la réparation de pièces, et les premières applications devraient être révélées très bientôt.

Autres méthodes de fabrication additive :

Frédéric Parisot : Je laisserai mes confrères spécialistes du plastique évoquer leurs technologies… On peut tout de même signaler que la recherche en impression 3D explore de nombreux domaines autres que les applications industrielles. On pense en particulier à la médecine, avec le domaine de la bio-impression qui a connu de grandes avancées ces dernières années. Des tests concluants ont déjà été menés pour l’impression de peau, de vaisseaux sanguins, et l’impression d’organes devrait être opérationnelle d’ici peu. L’impression de béton, ou d’une manière plus générale l’application de l’impression 3D à la production de bâtiments, est également en plein essor et fait l’objet de nombreux projets de démonstrateurs.

Matériaux adaptés à la fabrication additive :

Frédéric Parisot : Dans le domaine de la fabrication additive métallique, la plupart des fabricants de machines proposent plusieurs matériaux à leur catalogue. Les poudres les plus couramment utilisées sont l’Inconel, l’acier maraging, l’aluminium et le titane. Mais certains constructeurs imposent de travailler uniquement avec les poudres qu’ils fournissent, tandis que d’autres laissent à l’utilisateur la liberté de choisir le fournisseur de matière première et les caractéristiques de poudre qu’il souhaite, en fonction de son application. Du côté des matières plastiques, la plupart des polymères courants sont aujourd’hui disponibles pour l’impression 3D. Il est même possible de mettre en forme des polymères techniques, comme le PEEK qui est capable de résister à de très fortes températures. Reste la question de la durée de vie (tous les plastiques issus de photopolymérisation vont subir un vieillissement continu après fabrication) et de la qualification. En effet, il reste encore des barrières à lever avant que des pièces plastiques issues d’impression 3D soient utilisées par les industriels des transports (automobile, ferroviaire, aéronautique), que ce soit en termes de résistance mécanique, de résistance au feu, etc.

Conception d’une pièce à produire par procédé de fabrication :

Frédéric Parisot : Pour tirer parti de la technologie de fabrication additive, il faut des pièces prévues pour l’additif, pensées pour l’additif. Le plus souvent, si vous cherchez à imprimer une pièce qui était jusqu’ici réalisée par des moyens conventionnels, vous allez au-devant d’une déception. La pièce sera trop chère, ou avec des états de surface dégradés, entre autres. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la fabrication additive est une source incroyable de création de valeur, mais à condition que les pièces soient conçues dès le départ pour cette technologie. Le choix du mode d’obtention d’une pièce (additif ou soustractif) devra être considéré au plus tôt dans les réflexions, car le design final n’aura rien à voir. Enfin, la fabrication additive transforme la manière de concevoir car elle est incompatible avec les cycles de développements linéaires, où le designer envoie son dessin à l’équipe simulation, qui fait ses ajustements et transfère la pièce au service industrialisation/Méthodes, qui envoie les programmes aux opérateurs dans l’atelier. Ce modèle ne marche pas en fabrication additive, car toutes les contraintes doivent être prises en compte simultanément. Le cycle de conception pourra être itératif, avec des boucles rapides, mais elles doivent intégrer toutes les compétences dès le départ. Un exemple simple est celui des supports. Partout où l’on place des supports, l’état de surface sera dégradé, donc le concepteur doit s’entretenir dès le départ avec le technicien Méthodes pour savoir quelles orientations privilégier sur le plateau de fabrication, et quelles conséquences cette orientation aura sur le reste du design de la pièce. Dans le même ordre d’idées, on veillera à ce que les personnes en charge de services comme le marketing soient eux aussi intégrés aux réflexions techniques. C’est en échangeant avec les techniciens autour des nouvelles possibilités de design et d’intégration de fonctions qu’ils pourront imaginer de nouvelles propositions de valeur ajoutée pour le client. Enfin, pour exprimer ce qui change concrètement quand on dessine une pièce pour la fabrication additive, on peut dire qu’il faut prendre en compte des contraintes peu considérées jusqu’ici. On veillera par exemple à éviter les parties en surplomb, les angles droits, les pièces avec de fortes variations de section, les volumes fermés, etc.

Applications et pièces adaptées à la fabrication additive :

Frédéric Parisot : La fabrication additive permet à des industriels d’explorer de nouvelles directions. Pour cela, il faudra se poser des questions du type : puis-je générer de la valeur en proposant à mes clients des pièces aux formes plus complexes ? Des pièces avec davantage de personnalisation ? Des pièces plus performantes ? Des assemblages indémontables ? Des pièces produites au plus près du lieu d’utilisation ? Ce sont là autant de questions que les dirigeants devront se poser s’ils veulent tirer parti de la technologie.

Qualité des pièces produites par des procédés de fabrication additive :
Frédéric Parisot : L’intérêt de la fabrication additive métallique par fusion laser (LBM) est que l’on peut piloter finement tous les paramètres d’obtention d’une pièce, pour obtenir exactement les caractéristiques souhaitées. L’impression 3D (avec les traitements thermiques adéquats) permet d’obtenir tous les états cristallographiques imaginables, ou presque. Il est possible d’obtenir des pièces aussi denses que le métal brut. Cela a déjà été démontré. En revanche, la question à se poser c’est : est-ce que l’on a toujours besoin d’une pièce totalement dense ?

Coût et productivité de la fabrication additive :

Frédéric Parisot : Une machine de fabrication additive coûte aujourd’hui plus cher que pour une machine-outil traditionnelle, et l’amortissement de cette machine devra être pris en compte dans le prix des pièces. C’est pourquoi le passage à la fabrication additive demande une réflexion sur la proposition de valeur. Que puis-je proposer au marché, quelles améliorations de performances ou de fonctions puis-je proposer à mes clients pour qu’ils acceptent de payer un objet plus cher ? Une bonne illustration à cela est l’exemple de Michelin, qui a lancé en Europe une nouvelle gamme de pneus intégrant la fabrication additive dans le procédé de fabrication. Il s’agissait des premiers pneus été à obtenir la certification hiver. Ils sont plus chers que les pneus traditionnels, mais le client fait des économies car il n’est plus obligé d’acheter des pneus hiver. On voit bien que l’on a généré une valeur pour laquelle le client était prêt à payer, car le saut en performances permet de réaliser des économies ailleurs. En matière de productivité, la machine LBM proposée par AddUp permet d’atteindre des cadences élevées grâce à ses deux lasers, mais aussi et surtout grâce à un système de rouleau inédit sur le marché, et qui permet de déposer de la poudre dans les deux sens (à l’aller et au retour), limitant ainsi les temps d’attente pendant la fabrication.

Progrès attendus dans le domaine de la fabrication additive :
Frédéric Parisot : Un champ d’exploration très prometteur est celui de l’impression 4D. Cette discipline consiste à imprimer des pièces qui vont évoluer dans le temps une fois sorties de fabrication. Il s’agit de pièces qui vont changer de forme si elles sont soumises à des variations de température, de pression ou d’humidité, par exemple.