- Philippe Gérard, reponsable du segment de marché Motion chez Bosch Rexroth France, présente les quatre axes autour desquels, selon lui, l’automatisation industrielle doit évoluer afin de gagner en flexibilité, en simplicité, en connectivité… pour au final fluidifier les process de production et en optimiser la gestion.
L’évolution industrielle transforme l’usine, qui s’organise en réseau pour analyser le plus rapidement et le plus finement possible une quantité colossale de données pour plus de transparence, de performance et de flexibilité dans les process de production.
Ces données sont issues des machines, de capteurs et équipements périphériques fixes et mobiles (comme les AGV, les robots collaboratifs…) et d’objets IoT. Des équipements hétérogènes, qui dans une logique de production à la demande, doivent être coordonnés dans l’usine en temps réel.
A cette hétérogénéité s’ajoutent d’autres contraintes, notamment celle de faire coexister plusieurs générations de machines, issues de différents fabricants, avec des systèmes propriétaires et sans passerelles vers les mondes de l’IT et de l’IoT.
Cette complexité fait émerger plusieurs axes de développement exprimés par les utilisateurs de solutions d’automatisation.
L’automatisation « en mode smartphone »
L’automatisation telle que nous la connaissons est davantage synonyme de contraintes et de rigidité que de liberté et d’agilité. Le modèle actuel basé sur l’hyperspécialisation a atteint ses limites et est aujourd’hui un frein à l’innovation. Pour accompagner la transformation de l’industrie, l’automatisation a donc besoin d’être entièrement repensée.
Réduire la complexité à tous les niveaux et simplifier l’ingénierie pour raccourcir les délais de développement, de mise en service et de reconfiguration des machines devient nécessaire.
Cette simplification de l’automatisation passe par une diminution du nombre de composants, de leur encombrement et de leur connectique. Il s’agit également de miser sur la polyvalence des organes de contrôle, qui doivent savoir répondre à un maximum d’applications.
Le processus d’initialisation doit être simplifié en réduisant le nombre d’installations de logiciels nécessaire au démarrage des composants.
Les outils de simulation proposés doivent permettre de développer et de valider les solutions d’automatisation dans un environnement totalement virtuel, sans matériel.
La mise à disposition d’une architecture sécurisée doit permettre de relier les univers IT, IoT et OT.
Toutes ces évolutions doivent être intégrées dans une plateforme pensée comme une boîte à outils très complète et évolutive, dans laquelle les développeurs peuvent concevoir dès aujourd’hui l’ensemble de leurs applications avec une vision à long terme.
La fin des systèmes propriétaires et l’interopérabilité avec OPC UA
L’une des principales complexités pour l’automatisation est la multiplication des solutions de communication propriétaires, qui rendent l’interopérabilité entre machines très difficile. Or cette interopérabilité est la clé de voûte de l’usine connectée, et elle passe avant tout par l’adoption de spécifications d’échange de données communes à tout l’écosystème de l’automatisation 4.0.
C’est ce qu’offre le standard OPC UA qui, avec son principe d’architecture unifiée, a permis de faire un grand pas vers l’interopérabilité. Si l’utilisation de ce standard est pour l’instant plutôt réservée aux échanges de données entre le monde de l’automatisation (OT) et le monde de l’informatique (IT), la tendance est aujourd’hui à l’échange de données entre machines afin d’optimiser et fluidifier les flux de production et de logistique.
La prochaine étape permettra des échanges « temps réel » entre machines. On peut même imaginer que le standard OPC UA s’impose jusque dans les couches basses de l’architecture et remplace les bus de terrain.
L’idéal d’un standard unique, tant souhaité par les constructeurs de machines et les utilisateurs finaux est enfin à portée de main, même s’il faudra du temps. C’est la raison pour laquelle les plateformes d’automatisation doivent aujourd’hui être à la fois compatibles avec les standards de demain et les solutions propriétaires d’aujourd’hui.
Utilisation de langages de programmation pour enrichir les fonctionnalités des machines
Aujourd’hui, alors que l’automatisme et l’informatique s’interpénètrent dans l’architecture de communication de l’usine connectée, la tendance est au multilinguisme et les langages tels que C++, Java ou Python font leur apparition sur les plateformes d’automatisation.
L’idée n’est pas de remplacer le langage automate par le langage informatique mais d’offrir aux développeurs la possibilité d’utiliser le langage qui convient le mieux à la fonction qu’ils souhaitent développer. On peut par exemple imaginer que chaque langage puisse avoir une utilité spécifique.
IEC 1131-3 pour gérer le combinatoire et le séquentiel des machines, C++ pour développer des applications qui apporteront de la souplesse dans l’exploitation, Java pour utiliser des technologies web et Python pour implémenter des fonctions d’intelligence artificielle…
L’ouverture à ces nouveaux langages ouvre des perspectives quasiment illimitées en matière d’innovation, avec des temps de développement beaucoup plus courts et donc des coûts réduits. Grâce à l’open source, il est possible d’appuyer ses propres développements sur ceux d’une communauté extrêmement large.
Coexistence des réseaux filaires et sans fil au sein d’ateliers connectés
Le principe d’une connexion sécurisée et d’une remontée de data est désormais acquis dans nos usines, grâce notamment à la volonté des entreprises de mettre en place des infrastructures IT sûres et adaptées et à la standardisation des protocoles de communication.
Les machines sont désormais connectées au réseau usine de manière fiable et maintenable.
Les applications d’IoT industriel vont se multiplier : à l’horizon 2025, il pourrait y avoir jusqu’à 70 milliards d’appareils connectés dans le monde, dont un grand nombre dans le secteur industriel.
Tandis que l’Ethernet industriel filaire restera la référence en matière de fiabilité, les technologies sans fil permettront de mettre en réseau des machines non connectables, sans toucher au câblage ou au système de commande. La gestion en temps réel des ressources et des flux de l’usine seront automatisés, les opérateurs pourront disposer de terminaux mobiles et les véhicules guidés autonomes prendront en charge l’intralogistique de manière intelligente, en lien avec les besoins des machines de production.
Les plateformes d’automatisation vont donc devoir concilier les technologies filaires et sans fil, en permettant par exemple d’intégrer facilement un module 5G aux systèmes existants.